UNE PLAGE OUBLIÉE À CHARMOY-CITY (2ème diffusion) - du 12 juin 2020 (J+4195 après le vote négatif fondateur)
12 juin 2020UNE PLAGE OUBLIÉE À CHARMOY-CITY (2ème diffusion) - du 12 juin 2020 (J+4195 après le vote négatif fondateur)
Les deux listes restées en lice pour le deuxième tour commencent à rediffuser leurs programmes après une longue interruption de la campagne.
Voilà une tâche ingrate qui s’apparente quelque peu au service, après la longue interruption d’un banquet, d’un soufflé retombé, d’un sorbet fondu ou d’un champagne éventé.
Rattraper la mayonnaise n’est certes pas une tâche facile, et l’art d’accommoder les restes requiert un véritable talent culinaire qui n’est pas donné à tout le monde.
Et pour comble de malheur le snack forestier de La Feuillée vient de fermer.
CHARMOY-CITY : LA RADIO « LIBRE » FEUILLÉE, CŒUR DE CHÊNE SUSPEND SES ÉMISSIONS - du 10 juin 2020
En cette fin de semaine, chers lecteurs, vous comprendrez donc bien que les bons produits frais ayant déserté le marché, il nous soit impossible de vous proposer un frischti acceptable.
Aussi, sans faire la pause, avons-nous décidé d’abandonner momentanément le buffet réchauffé de la campagne pour vous proposer un petit « retour à la plage » publié en première diffusion le 29 septembre dernier sur ce blog.
UNE PLAGE OUBLIÉE À CHARMOY-CITY
Je dédie ce texte à la mémoire d’André Malandain et de René Roy, pionniers des sports nautiques à Auxonne.
Retrouvons le temps où Auxonne n’était pas encore devenu, sous le règne de Raoul Langlois, Charmoy-City.
Le promeneur empruntant le chemin de droite en allant vers l’Écluse d’Auxonne sur le talus du canal, pourra découvrir au quart du trajet, et sur sa droite en contrebas du talus, un ensemble de ruines enfouies dans les ronces et les fourrés. Ces ruines faisaient partie, vers le milieu du siècle dernier, d’un complexe nautique modeste, mais très apprécié.
C’est André Malandain, un Normand, installé à Auxonne et fana de sport nautique, qui créa la plage de l’Ermitage en 1941. La plage comportait 3 bassins (grand, moyen, petit). Au bout du ponton du grand bassin, se trouvait le formidable plongeoir construit par l’entreprise Saunié.
Baigneurs et baigneuses se changeaient dans des cabines en bois, de l’autre côté du chemin en face de la plage, contre la butte du canal (non visibles sur notre illustration). Un peu plus loin en aval, on consommait sur une terrasse en plein air et on pouvait aussi se restaurer dans la petite guinguette en dur visible sur notre illustration (son pignon est caché par le plongeoir).
Jusqu’en 1945, Madame Malandain tenait les fourneaux et servait aux clients une cuisine simple, souvent d’inspiration normande. Monsieur et Madame Malandain étaient en effet tous deux normands. Il n’est pas donné à tout le monde d’être picard !
À cette date, le grand bâtiment à gauche de cette guinguette sur notre illustration n’était pas encore construit.
En 1945, pour des raisons familiales, André Malandain céda son établissement à René Roy qui travaillait avec son père, Jules Roy, dans l’entreprise familiale de scierie située route de Dole à l’emplacement actuel du Comptoir des matériaux.
C’est René Roy qui fit construire vers 1947-48 le bâtiment situé au centre de notre illustration. Des prisonniers allemands de la deuxième guerre mondiale, encore présents à cette époque furent employés à la construction du bâtiment dont la partie charpente et menuiserie fut particulièrement soignée, on le comprend.
On conserve dans la famille Roy le lustre en bois de la grande salle, réalisé par un ébéniste allemand.
Une vingtaine d’années plus tard, gardant sans doute un bon souvenir de son séjour, notre ébéniste revint visiter Auxonne et la famille Roy.
La grande salle d’environ 150 m2 était construite en surélévation hors-niveau des crues, on y accédait par un escalier central en façade.
Elle s’ouvrait sur une terrasse découverte d’une trentaine de mètres carrés à l’avant du bâtiment
Bar, restaurant, dancing tels étaient les usages de cette magnifique salle.
On se baignait, on pagayait, on se restaurait, on dansait à la Plage de l’Ermitage
À partir de 1955 la fatalité devait priver les Auxonnais, et les Dijonnais, de ces agréables distractions.
Au cours de l’année 1955, René Roy trouvait la mort avec son épouse dans un terrible accident sur la RN5, laissant deux enfants.
La famille voulant racheter l’établissement, il se révéla que, probablement en vertu d’un accord à l’amiable, le terrain sur lequel il avait été construit n’avait pas fait l’objet d’un acte de vente notarié.
La propriétaire légale refusa alors de le vendre le terrain et, le fonds l’emportant sur le bâti, le bâtiment, qui avait en outre perdu son promoteur et avec lui son âme, fut vidé, par la famille, d’une partie de son mobilier, fermé, abandonné et progressivement pillé puis ruiné.
Quant à la petite guinguette Malandain, elle aussi aujourd’hui en ruine, elle était située sur une autre parcelle contiguë acquise par acte.
Elle hébergea jusque vers le milieu des années 70, une petite dame seule, la Marie, qui élevait des poules, vendait ses œufs et surtout, n’avait pas froid aux yeux, de vivre seule en un tel lieu.
Petites anecdotes personnelles : je me rappelle enfant avoir vu André Malandain, un homme souriant, ranger ses canoés et kayaks dans un garage qu’il avait dans l’actuelle rue d’Heidesheim (actuelle rue Prieur). Nous habitions alors au 13 rue de l’Hôpital (actuelle rue Gaston Roussel), dans la « maison Olive » et la cour de l’immeuble débouchait sur la rue Prieur. J’étais toujours étonné de voir deux des esquifs porter les noms Speranza I et Speranza II. J’appris plus tard que cette appellation est prisée des navigateurs.
À peu près à la même époque, je n’étais pas encore devenu, par les soins d’Henri Berger qui dispensait ses leçons de natation au bas des gradins du port, un nageur confirmé.
Je me souviens alors m’être aventuré dans le grand bassin de la plage Malandain, et avoir perdu pied.
Je revois encore les bulles dans l’eau verte monter en grappe au-dessus de moi. Seule la proximité du ponton auquel je me suis raccroché – mais aussi un petit travail d’enquête – me permet, plus de soixante ans après, de vous conter ces souvenirs.
N.B. : La reconstruction des ruines sur l’illustration de Claudi a été réalisée d’après nos mesures faites sur le terrain et à partir d’une photo publiée dans l’ouvrage collectif : AUXONNE VOYAGE DANS LE TEMPS…édité en 2015 par L’Association Écomusée du Maraîchage et des Traditions populaires du Val de Saône.
C.S. Rédacteur de Chantecler,
Auxonne, le 12 juin 2020 (J+4195 après le vote négatif fondateur)
Publié dans Visions d’histoire