HISTOIRES D’ENSEIGNES (3) - du 17 AOÛT 2015 (J+2434 après le vote négatif fondateur)
17 août 2015HISTOIRES D’ENSEIGNES (3) - du 17 AOÛT 2015 (J+2434 après le vote négatif fondateur)
Voilà le bel été tout rafraîchi, l’automne montre son nez, mais c’est encore les vacances et notre feuilleton continue !
Puisque toute la matière qui va nous inspirer à présent, sortira du grand portefeuille et des deux paquets rapportés par Claudi du grenier de son oncle Seppi de Rouffach, présentons rapidement le fonds d’archives qu’il constitue.
Trois agendas de la boutique du coiffeur, datés de 1901, 1902, 1905. À la date du 4 septembre 1901 est mentionné l’épisode de la moustache avec un petit croquis vachard et un vieux rasoir de Klingenthal à manche de corne glissé dans une enveloppe de faire-part à liseré noir : l’arme du crime sans doute ! L’exhumation de toutes ces reliques nous fait revivre l’histoire en direct, et la lame du rasoir, même rouillée, brrrr !!! Ça vous fait froid sous le nez !!
Ne nous égarons pas, continuons l’inventaire méthodique de cet émouvant musée : deux cahiers d’écolier cartonnés couverts d’une écriture serrée, truffés de lettres, de feuilles détachées, d’articles de journaux, de croquis et de chromos pliés en quatre, constituant les « mémoires » de Seppi le coiffeur. Divers calendriers, affiches, gravures, gazettes tant en français qu’en allemand.
À part le portefeuille, deux paquets ficelés. Le premier contenant quelques ouvrages en allemand de Jean Paul Richter, dit Jean Paul, humoriste romantique à peu près inconnu en France. Au nombre de ces ouvrages, le Siebenkaes, œuvre largement autobiographique décrivant, entre effusions et rires, la vie d’un jeune avocat sans fortune dans le bourg stupide de Kuhschnappel. De cette œuvre burlesque et touchante, Hermann Hesse estimait qu’elle était de celles que l’on reprend pour sa chaleur humaine, l’âge venu, ou dans l’épreuve. Seppi le coiffeur, après ses journées barbantes de barbier, était sans doute inspiré par ces bonnes lectures !! La lecture de Toni, en revanche devait l’inspirer moins. Toni ? Kezaco ? Patience, nous allons le découvrir…
Le second paquet, apparemment moins littéraire, contenait une collection de périodiques visiblement locaux. Le paquet étant encore ficelé, on découvrait la couverture du premier numéro dont les affronts conjugués de la poussière séculaire et des souris du grenier avait éteint les couleurs criardes. Sous la ficelle, on lisait ce titre en ronde gothique Toni et en sous-titre : Kultur, Künste, Schilder (culture, art, enseignes). En défaisant le paquet, Claudi, dont l’imagination est vraiment débordante, et qui n’en rate pas une, fit remarquer en pouffant que le sous-titre lui rappelait le très sérieux et très fameux « Küche, Kirche, Kinder » (cuisine, église, enfants).
Le paquet étant à présent défait, on peut juger plus précisément de son contenu qui se révèle être une série d’almanachs composites publiés, au tout début du siècle dernier, par Herr Doktor Meissner, originaire comme il le déclare lui-même et comme son nom l’indique de Meissen, célèbre ville de Saxe, où se cuit, dans les meilleurs fours, le meilleur kaolin.
L’illustration de couverture, encore fraîche et pimpante pour les numéros de l’intérieur du paquet, représente sur des fonds variés, un petit personnage genre Struwwelpeter (Pierre ébouriffé), Toni sans doute, perché sur une grande enseigne portant les mots Kultur, Künste, Schilder (culture, art, enseignes).
Comment dresser une puce, comment ramoner vos cheminées, comment soulager vos rhumatismes, combien pèse la Lune, vous trouverez dans Toni toutes ces réponses sans peine tout en visitant gratuitement la pinacothèque et la…. glyptothèque ! Non, pas la discothèque, grand-père, la gly-pto-thèque !
Une autre galerie, non moins passionnante, vous y accueille, celle des enseignes de Niederziwweldorf dûment classées et répertoriées. Boutique ! Keskyen-na ! Le Professor Knatschke devait faire ses provisions de Delikatessen quand il venait en touriste à Niederziwweldorf ! C’est que le petit commerce marchait bien en ce temps-là ! Tiens, une souris a juste grignoté l’image du buste du Kaiser, il est vrai qu’il était appétissant ce buste en biscuit à 50 pfennigs l’unité et 5 marks la douzaine !
Pour un amateur d’archives, cette revue d’un autre siècle ne manque pas d’intérêt, mais Claudi m’a confié qu’en y regardant de plus près, elle présentait une grave lacune : à partir de septembre 2001, on n’y trouve plus aucune trace du coiffeur Seppi et de son enseigne ! Ah ! La Vache !
Petit post-scriptum transhistorique : À Niederziwweldorf, notre Seppi disparut donc des colonnes de Toni à partir de septembre 1901. À Charmoy-City, en notre année 2015, les Seppis viennent tout juste de disparaître du rond-point du Faucheur. Il est vrai que les moissons sont terminées. N’ayant plus ses Seppis à moissonner, notre Faucheur tourne à présent la manivelle d’un vieux tarare requinqué et lifté. Trompé par la nature et la fonction réelle de l’engin qui est essentiellement de brasser du vent, ce qui le rapproche en cela de beaucoup d’écrivailleurs, un arrière petit-neveu du Professor Knatschke, a glissé une pièce dans la trémie. En vain !
Résultat des courses, dans le futur guide touristique Knatschke à paraître en 2016, on pourrra lire que les orgues de Barbarie ne fonctionnent pas à Charmoy-city. Carton rouge à Berlin pour le rond-point ! Ça va encore faire tout un tintouin ! Ah ! Quel zinzin !
C.S. Rédacteur de Chantecler,
Auxonne, le 17 août 2015 (J+2434 après le vote négatif fondateur)