HISTOIRES D’ENSEIGNES (4) - du 20 AOÛT 2015 (J+2437 après le vote négatif fondateur)

Nos fidèles lecteurs/trices connaissent à présent Niederziwweldorf et quelques-unes de ses personnalités marquantes : Seppi le coiffeur rebelle, Herr Polizei Schwob grand mutilé de la moustache, Herr Bürgermeister et son fidèle ami Herr Doktor Meissner.

Pour les autres, rappelons que Niederziwweldorf est un vieux bourg rural sur la Tochter, un peu en aval de Königshafen, villégiature en vogue où, avant la Grande Guerre, le Kronprinz venait bronzer son corps longiligne et faire de la périssoire à deux places en août. À cette même époque, le clocher en bulbe de Niederziwweldorf était par ailleurs le but de nombreuses excursions-incursions ultra-rhénanes depuis que le Professor Knatschke l’avait fait figurer en bonne place avec deux étoiles dans son guide vert-de-gris.

Un peu de toponymie à présent. Niederziwweldorf, traduit en français, c’est Ziwweldorf-le-Bas, et, bien entendu, Niederziwweldorf d’en bas avait son pendant d’en haut, Oberziwweldorf. Comme par chez nous on dirait : Tart-le-Haut et Tart-le-Bas.

Niederziwweldorf, en bas, c’était le passé, et Oberziwweldorf, en haut de la côte, l’avenir, l’avenir en montant bien entendu, et la victoire en chantant!

C’était du moins l’avenir préparé par le patron d’une grande enseigne de Colmar avec le concours diligent de Herr Bürgermeister.

L’Oberziwweldorfhypermarkt poussait donc là-haut comme un champignon pour la plus grande joie de Herr Doktor Meissner, le père spirituel de Toni, qui, comme on l’apprend dans Toni, excellait par ailleurs dans la préparation des champignons cuits au four.

De Saxe, dans sa Meissen natale, Herr Doktor Meissner avait déjà commandé deux quintaux de kaolin premier choix. Il comptait, en effet, réaliser une série numérotée d’assiettes commémoratives d’une inauguration à laquelle, par avance, il avait été expressément convié. L’inauguration de l’Oberziwweldorfhypermarkt, bien entendu, dont la relation détaillée par les bons soins de Herr Doktor Meissner occuperait aussi tout un numéro spécial à tirage limité et justifié de Toni. Avec un grand encart dépliant sur papier couché et un grand fac-similé sur vélin des signatures prestigieuses du jour. Sans oublier le portrait coruscant de l’auteur-éditeur, ainsi que celui, plus improbable, de Herr Bürgermeister.

On peut d’ailleurs admirer ce numéro dans les archives recueillies par Claudi. Un vrai bijou documentaire ! Une petite note au crayon de Seppi le coiffeur, écrite sur la couverture précise « oublié au salon par le Conseiller Schnaps ». Et l’assiette commémorative, alors, parlez-nous de cette assiette commémorative !! Elle doit être vraiment belle !!

Pardon fidèles lecteurs/trices ! J’oubliais justement de vous en parler, car jusqu’à ces derniers jours on n’en avait pas trouvé trace, mais un exemplaire de la précieuse porcelaine vient justement d’être envoyée en recommandé par l’oncle Seppi qui précise l’avoir retrouvé dans son grenier au beau milieu d’un cageot rempli de vieux plats à barbe ébréchés.

Il serait amusant de savoir comment cette céramique avait atterri chez le coiffeur, celui-ci n’étant pas homme à faire une telle emplette et de toute façon trop indigne de se la voir offrir par son auteur-artiste. Elle ne pouvait pas non plus avoir été « oubliée au salon par le Conseiller Schnaps », car si ce dernier y apportait manifestement ses pieuses et bonnes lectures, le digne conseiller n’allait sans doute pas jusqu’à y apporter sa vaisselle !

Je sens, fidèles lecteurs/trices, que toute cette brocante commence à vous barber sévère. Si tel est le cas, alors lisez plutôt Toni, ou Le Bien Public, c’est encore plus chic, et puis dans Le Bien Public on trouve parfois de beaux vers édifiants, même si c’est à propos de poubelles (numéro du 10 août 2015) !

« Sa conscience écologique

Lui a dicté son geste électronique » Mazette !

Mais après tout, pourquoi vous plaindriez-vous ? Je ne vous propose là qu’un feuilleton de vacances et de ce genre de lectures, il est prudent de ne pas trop attendre ! Vous me direz alors que ça manque un peu de sexe, je vous rétorquerai qu’en tout cas, ça ne manque pas de Saxe ! Vous ne rêvez sans doute que de porcelets de sexe quand je vous sers, moi, naïf, les mets les plus délicats dans de la porcelaine… de Saxe !

Et puis sachez le bien, ce que je vous relate aujourd’hui, et qui, un siècle après, a pris un sérieux coup de moisi, passionnait vraiment le tout Niederziwweldorf intellectuel, scientifique et culturel d’alors.

Vous allez me dire que ce Niederziwweldorf intellectuel, scientifique et culturel d’alors vous apparaît, sous ma plume malhabile, bien lointain et poussiéreux ! Ingrat(e)s que vous êtes ! La critique est facile mais l’art est difficile ! Pas si facile de faire revivre l’histoire ! Essayez donc ! On vous verra à l’œuvre ! Si vous voulez vous faire mousser, écrivez plutôt l’avenir, inscrivez votre nom dans l’avenir et dans le territoire ! Vous aurez votre rue, vous aurez votre square ! C’est ce que pensait sans doute déjà Herr Bürgermeister, il y a un siècle. Sic transit…

Mais tout ça, aujourd’hui, plus d’un siècle après, c’est bien refroidi, refroidi comme le four d’Herr Doktor Meissner et les oreilles d’icelui qui rougeoyaient au feu de la fournaise, comme celles du mécano fourgonnant dans la chaudière. Tout ça, refroidi !

En entrant avec Claudi dans le grenier de Seppi, vous êtes entrés sans le savoir dans l’hypermarché de la mélancolie. À trop déranger, des greniers, la poussière, on finit par soulever un nuage de mélancolie ! Et quand, à Charmoy-city, les réseaux sociaux vont batifoler jusque dans les herbes folles du cimetière, la Grande Faucheuse s’émeut ! Et dire qu’en plus, pour comble de malheur, le Faucheur du rond-point vient tout juste de troquer sa faux contre un tarare ! Il y a de quoi désespérer !!

Alors Chantecler, ton histoire d’enseignes, elle finit là ? Ton inspiration serait-elle en panne ? Aurait-elle déjà mordu la poussière ? Si c’est le cas, alors, bonjour tristesse ! Mais non, c’est tout juste un petit souffle de vent de Jean Paul – Jean Paul Richter, le vrai – qui vient de passer, un petit vent frais, un vrai petit vent de mélancolie…Ni soufflerie ronflante de chaudière, ni flatulence bruyante de gestionnaire !

Un petit vent frais, un vrai petit vent de mélancolie, un petit vent de modestie aussi, brise apaisante que ne ressentent plus guère nos gestionnaires confits dans leurs bocaux, alignés sur les rayons de l’hypermarché du pouvoir.

Le petit vent de mélancolie a même saisi le crayon de Claudi. Ah ! Romantisme, romantisme et mélancolie tranquille des herbes folles poussant parmi les ruines dans le cimetière des rêves ! Sic transit…

Je sens que les âmes sensibles vont sortir un kleenex. Ne pleure pas Jeannette ! À bientôt, ne manquez surtout pas le prochain épisode. Un épisode de rêve, c’est promis !

HISTOIRES D’ENSEIGNES (4) - du 20 AOÛT 2015 (J+2437 après le vote négatif fondateur)

C.S. Rédacteur de Chantecler,

Auxonne, le 20 août 2015 (J+2437 après le vote négatif fondateur)

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