DE CHARMOY-CITY À BOUVILLE : RÉFLEXIONS SUR LA CULTURE - du 26 novembre 2017 (J+3266 après le vote négatif fondateur)

   Il peut être dangereux de s’aventurer sur les chemins de la littérature. C’est pourtant ce que nous avons fait pour illustrer notre dernier article à propos du projet de médiathèque.

CHARMOY-CITY : LES PHILOSOPHES, LE POLYÈDRE ET LA MÉDIATHÈQUE- du 23 novembre 2017

    Quelques souvenirs de lecture, nous avaient naturellement conduit vers Jean-Paul, l’auteur des Mots et de La nausée. Et ce bref retour sur ces deux œuvres nous y a révélé des perspectives vertigineuses sur la lecture et l’écriture, et par là même, sur la culture en général.

         De là, nous avons naturellement conclu que tout élu devant décider en matière d’équipement culturel trouverait d’abord grand profit à s’imposer la rédaction d’une fiche de lecture sur un ouvrage de ce genre. Même si en matière de culture rien n’est gratuit, on ne peut réduire une décision en matière culturelle  au seul vote d’un chapitre budgétaire !

     Des deux ouvrages de Sartre cités plus haut,  le plus accessible est de loin La nausée et je suis sûr que plus d’un lecteur de Chantecler va le relire !

    En simplifiant à l’extrême, nous dirons que La nausée, roman quelque peu autobiographique, le premier  de Sartre (1938)  est constitué selon l’« avertissement des éditeurs » par le « journal d’Antoine Roquentin, [qui] après avoir voyagé en Europe Centrale, en Afrique du Nord et en Extrême-Orient, s'[est] fixé depuis trois ans à Bouville, pour y achever ses recherches historiques sur le marquis de Rollebon ».

     Chercheur et historien, Roquentin fréquente donc tout naturellement la bibliothèque de Bouville, mais encore le musée de Bouville, dont il donne des aperçus détaillés. Vu par le petit bout de la lorgnette, on peut considérer que La nausée livre un tableau daté et sans indulgence de la vie et des équipements culturels d’une ville de province qui n’est pas franchement rock’n’roll. Il est vrai que c’est bien autre chose encore !

      Un Roquentin du vingt-et-unième siècle ne serait pas vraiment dépaysé à Charmoy-City. En vous disant cela, cher lecteur, je vous ouvre mon cœur !

     Mais avouons quand même  que La nausée c’est un drôle de titre. Il est vrai que c’est l’éditeur Gallimard qui en a décidé en référence à la perception bizarre et comme nauséeuse du réel que l’atmosphère pesante bouvilloise induit chez le héros.

     Tiens, tiens ! Avec la « perception », nous voilà revenu à ce cher Merleau et à la phrase énigmatique de notre précédent article : « Il sera de forme polyédrique et permettra aux usagers d’avoir une autre perception de la culture. »

      Sartre voulait intituler son roman Melancholia, en référence à Albert Dürer. Mais que les lecteurs potentiels ne se découragent pas, la verve satirique et décapante de l’auteur engendre rarement la mélancolie !

      Encore un petit échantillon :

      « J'ai travaillé deux heures dans la salle de lecture. Je suis descendu dans la cour des Hypothèques pour fumer une pipe. Place pavée de briques roses. Les Bouvillois en sont fiers parce qu'elle date du XVIIIème siècle. À l'entrée de la rue Chamade et de la rue Suspédard, de vieilles chaînes barrent l'accès aux voitures. Ces dames en noir, qui viennent promener leurs chiens, glissent sous les arcades, le long des murs. Elles s'avancent rarement jusqu'au plein jour, mais elles jettent de côté des regards de jeunes filles, furtifs et satisfaits, sur la statue de Gustave Impétraz. Elles ne doivent pas savoir le nom de ce géant de bronze, mais elles voient bien, à sa redingote et à son haut-de-forme, que ce fut quelqu'un du beau monde. Il tient son chapeau de la main gauche et pose la main droite sur une pile d'in-folio : c'est un peu comme si leur grand-père était là, sur ce socle, coulé en bronze. Elles n'ont pas besoin de le regarder longtemps pour comprendre qu'il pensait comme elles, tout juste comme elles, sur tous les sujets. Au service de leurs petites idées étroites et solides il a mis son autorité et l'immense érudition puisée dans les in-folio que sa lourde main écrase. Les dames en noir se sentent soulagées, elles peuvent vaquer tranquillement aux soins du ménage, promener leur chien : les saintes idées, les bonnes idées qu'elles tiennent de leurs pères, elles n'ont plus la responsabilité de les défendre ; un homme de bronze s'en est fait le gardien. »

    Voilà les impressions de Roquentin. Sorti de la bibliothèque pour fumer une pipe (polyédrique), il nous fait découvrir, coulé dans le bronze,  le génie inspirateur qui règne sur la bourgeoisie bouvilloise et sa « perception de la culture ».

      Une longue recherche ne nous a pas permis de trouver de document représentant la statue de Gustave Impétraz. Qu’à cela ne tienne ! Claudi a procédé à l’érection du monument en bonne place… Pour le bonheur des Charmoysiens !

    Une merveille de plus à vous montrer !

CHARMOY-CITY : ON A DES MERVEILLES À VOUS MONTRER - du 02 novembre 2017    

De Bouville à Charmoy-City, Roquentin bonapartiste

De Bouville à Charmoy-City, Roquentin bonapartiste

C.S. Rédacteur de Chantecler,

Auxonne, le 26 novembre 2017 (J+3266 après le vote négatif fondateur)

Publié dans Figures libres

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