FRANCE-ITALIE 1897 (2) - du 24 juin 2018 (J+3476 après le vote négatif fondateur)
24 juin 2018FRANCE-ITALIE 1897 (2) - du 24 juin 2018 (J+3476 après le vote négatif fondateur)
Dans le premier épisode de présentation de ce nouveau feuilleton inédit, nous évoquions une rencontre passionnante faite au printemps 2015 sur un trottoir dijonnais.
FRANCE-ITALIE 1897 (1) - du 21 juin 2018
Ce deuxième épisode sera consacré à un premier contact avec cette rencontre qui ne fut pas banale et qui fut pour moi à l’origine de révélations historiques pleines d’intérêt. Dans le présent climat de l’actualité européenne, ces révélations sont encore susceptibles d’avoir un certain écho.
Un matin d’avril 2015, c’est une photo ancienne encadrée que je rencontrai à Dijon sur un trottoir de la place Grangier, où se tient certains matins de la semaine un petit marché de brocante.
Plus précisément, c’est le personnage figurant sur cette photo qui vint à ma rencontre à travers le temps. La photo est reproduite en médaillon sur notre illustration du jour.
Avant même de m’être baissé pour examiner plus en détail l’objet, je reconnus un uniforme italien de la première guerre mondiale car le portrait sans être de grande taille était néanmoins de dimensions respectables.
M’étant saisi de l’objet, je reconnus deux galons de lieutenant sur le képi dont la visière surmontait un visage à l’expression de dignité sévère.
Rien à voir en effet, malgré certaines similitudes dans l’uniforme, avec l’aimable lieutenant du service sanitaire que Gary Cooper incarna dans l’Adieu aux armes (1932).
Ce film réalisé par l’italo-américain Borzaga, devenu Frank Borzage, retrace, en prenant quelques libertés avec le roman éponyme d’Hemingway, les aventures tragiques d’un jeune américain engagé volontaire aux côtés de l’armée italienne durant la première guerre mondiale.
L’homme du portrait, malgré les deux galons qu’il porte sur son képi, n’a rien d’un jeune lieutenant comme ces deux galons pourraient le suggérer.
Se fier à l’apparence sobre et dépouillée de la tenue pour arguer d’un grade modeste serait d’ailleurs une erreur car, dans toutes les armées européennes, les tenues se sont radicalement simplifiées au cours de la première guerre mondiale masquant de plus en plus les signes distinctifs ostentatoires.
Un examen attentif des parements de manches révèle en effet une couronne entre deux étoiles. C’est l’insigne du grade de lieutenant-général commandant un corps d’armée (tenente generale in comando di corpo d'armata).
Notre « lieutenant » supposé est en fait un général. Un général, la belle affaire ! En ce temps-là des généraux dans toutes les armées, il y en avait des palanquées.
Oui, mais en dédicaçant sa photo à un lieutenant-colonel français, notre général s’est présenté et son identité ne peut laisser indifférent : Vittorio Emanuele di Savoia (Victor Emmanuel de Savoie).
Notre général, Vittorio Emanuele di Savoia-Aosta, conte di Torino (Victor Emmanuel de Savoie-Aoste, Comte de Turin) (1870-1946) est un membre de la famille royale d’Italie de la branche Savoia-Aosta. Du côté paternel, il est le cousin et l’exact contemporain du dernier roi d’Italie Vittorio Emanuele III (1869-1947).
Sur la photo, la dédicace au colonel français est datée du 24 décembre 1916 à Strassoldo, petite ville du Frioul à 15 km de la frontière slovène dans la Province d’Udine, une zone de combats acharnés. Vittorio Emanuele di Savoia-Aosta, conte di Torino, commandait en chef la cavalerie italienne durant la première guerre mondiale.
C’est donc un portrait dédicacé du commandant en chef de la cavalerie italienne qui était venu échouer sur un trottoir dijonnais. Amateur de trouvailles, j’en fis l’achat pour un prix modique.
Mais la vraie heure de gloire du Comte de Turin, ce bon militaire célibataire, sans doute un peu austère, et qui sut se tenir à l’écart de l’aventure fasciste, restait à découvrir. Nous avions encore du grain à moudre. À suivre…
Le Comte de Turin affectionnait particulièrement le régiment des lanciers blancs de Novare dont il fut colonel au début du siècle dernier. Nous concluons cet épisode par la marche de ce régiment.
Marcia d'Ordinanza del Reggimento Lancieri «Novara» 5° - YouTube
Sur l’image où Claudi a hardiment rapproché le Prince et l’acteur, nos lecteurs remarqueront que les deux hommes portent le même ruban de décoration. Il s’agit du simple ruban distinctif, ne comportant pas de médaille, créé le 21 mai 1916 pour « les militaires et assimilés qui supportent les efforts de la guerre actuelle ». Cette distinction était nommée « Fatiche di guerra ». Ce qui ne signifie pas fatigues de guerre mais travaux de guerre, comme les Italiens disent Fatiche di Ercole (travaux d’Hercule).
C.S. Rédacteur de Chantecler,
Auxonne, le 24 juin 2018 (J+3476 après le vote négatif fondateur)
Publié dans Feuilleton