BONAPARTE À AUXONNE ou le Promeneur Solitaire Corse (8) - du 28 octobre 2017 (J+3237 après le vote négatif fondateur
28 oct. 2017BONAPARTE À AUXONNE ou le Promeneur Solitaire Corse (8) - du 28 octobre 2017 (J+3237 après le vote négatif fondateur)
Notre précédent article avait évoqué ce que nous pourrions qualifier de dernier acte d’une assez pitoyable farce.
CHARMOY-CITY : POUR EN FINIR AVEC LE PSC - du 26 octobre 2017
Nous saluons ici le site facebook du groupe Auxonne territoire d’avenir d’avoir relayé très opportunément notre nécessaire intervention ! Nous reproduisons ici son propos :
« Conseil du 27 septembre : intervention de M. l’adjoint à la Culture sur le PSC du musée.
Juste avant la distribution de l’Inf’Auxonne n° 58, lors de ce conseil, l’adjoint à la culture a fait une intervention relative à l’historique et la chronologie des faits du fameux PSC du musée, et ce, probablement en raison de notre article.
Voir page 36
http://www.auxonne.fr/rapports-du-conseil
Depuis, le site éponyme CHANTECLER a publié un document [N.D.L.R. : CHARMOY-CITY : POUR EN FINIR AVEC LE PSC - du 26 octobre 2017] apportant de nouveaux éclairages sur les explications de M. l'adjoint ! »
Passons à présent aux choses sérieuses et retrouvons le 8ème épisode de notre feuilleton BONAPARTE À AUXONNE ou le Promeneur Solitaire Corse qui en comptera encore bien d’autres !
Tout au long des jeunes années de Bonaparte, un sentiment perdurera : son attachement profond à la Corse. Il a passé sa tendre enfance à Ajaccio de sa naissance le 15 août 1769 à son entrée au Collège d’Autun le 1er janvier 1779.
Suivent alors huit longues années de pré-adolescence et d’adolescence vécues sur le continent, dans les écoles militaires, d’Autun à Paris en passant par Brienne, et pour finir au régiment de la Fère à Valence et Auxonne.
Ce n’est finalement qu’à l’âge de dix-sept ans que Bonaparte retrouvera son île et sa famille lors d’un premier séjour en Corse de septembre 1786 à septembre 1787, comme nous l’avons déjà vu dans un précédent épisode.
BONAPARTE À AUXONNE ou le Promeneur Solitaire Corse (5) - du 17 septembre 2017
Après l’automne 1787 passé à Paris, il fera un deuxième séjour en Corse avant de s’embarquer pour arriver la première fois à Auxonne fin mai 1788. Nous empruntons nos repères chronologiques à l’ouvrage de Louis Garros, Quel roman que ma vie ! Itinéraire de Napoléon Bonaparte 1769-1821, Paris, 1947.
La période auxonnaise (juin 1788 - juin 1791) sera entrecoupée d’un troisième séjour en Corse de septembre 1789 à février 1791, congé prolongé à plusieurs reprises, dont nous reparlerons plus tard, et qui réduira pratiquement de moitié le temps de séjour effectif à Auxonne !
Après avoir quitté définitivement Auxonne, Bonaparte fera encore deux autres séjours en Corse de septembre 1791 à mai 1792, puis d’octobre 1792 à juin 1793. Ces séjours, le quatrième et le cinquième sont marqués, ainsi que le troisième déjà, par les retentissements dans l’île des évènements politiques révolutionnaires survenus sur le continent.
À l’issue du cinquième et dernier séjour, Bonaparte, en désaccord avec Paoli, champion historique de l’indépendance, rompra avec les visées indépendantistes corses, et embarquera définitivement pour le continent, avec toute sa famille, à Calvi en juin 1793.
Mais revenons à Auxonne en août 1789, bien avant cet épilogue de rupture. Des nouvelles parviennent de petites émeutes se produisant un peu partout en Corse, le bruit court que beaucoup de Français s’en vont. Bonaparte a hâte de retrouver sa chère petite patrie dont le passé, le présent et l’avenir le passionnent.
Dès le 8 août il sollicite « la faveur de jouir immédiatement du semestre d’hiver [N .D.L.R. de congé]». Faveur obtenue, et « congé accordé du 15 septembre 1789 au 15 mars 1790 » (IUNG Th., Bonaparte et son temps, 4ème édition, Tome 1, Paris, Charpentier, 1889, p. 204-205)
Ouvertement hostile au gouvernement despotique des Commissaires du Roi qui ne laisse pas leur place aux autochtones, partisan et soutien de Paoli, le lieutenant quittera Auxonne avec l’espoir sans doute de mettre ses talents au service d’une conciliation hypothétique du destin de ses deux patries.
Bonaparte s’était d’ailleurs très bien préparé et il était très au fait de l’histoire de la Corse qu’il étudiait de longue date puisque dès le 29 juillet 1786 il écrit de Valence à « Paul Borde, libraire à Genève » en le priant de lui « envoyer les deux derniers volumes de l’Histoire des Révolutions de Corse, de l’abbé Germanes » (Écrits personnels de Napoléon Bonaparte (choix et présentation de Jean Tulard), Paris, Club Français du Livre, 1969, p. 17)
Il est vraisemblable de penser que lors de son séjour à Auxonne, il ait commencé à mettre en forme les notes de ses recherches documentaires historiques qui devaient, à l’issue de divers remaniements, devenir les Lettres sur la Corse qui nous sont parvenues par les manuscrits (Tulard, Op. cit. pp.149-193 et Frédéric Masson et Guido Biagi, Napoléon manuscrits inédits (1786-1791), Paris, Ollendorf, 1914, pp. 393-445).
En mai 1789, il semble que le projet soit bien avancé car Bonaparte écrit de Seurre à son frère Joseph : « Je veux, avant de le [mon ouvrage] donner au public, attendre que les premiers mois de l’ouverture des États [généraux] soient passés. Il y a 140 pages d’impression in-12. C’est plus long que je ne l’avais projeté, mais j’y ai fait l’histoire de la Nation qui m’a conduit loin. » (Tulard, Op. cit. pp.147-148).
Le 12 juin 1789 il écrit d’Auxonne une lettre enflammée au Général Paoli, restée célèbre, qui commence ainsi : « Je naquis quand la patrie [la Corse] périssait. Trente mille Français vomis sur nos côtes, noyant le trône de la liberté dans des flots de sang, tel fut le spectacle odieux qui vint le premier frapper mes regards » (Commandant Maurice BOIS, Napoléon Bonaparte lieutenant d’artillerie à Auxonne, Paris, Flammarion, 1898, p. 59 et IUNG Th., Bonaparte et son temps, 4ème édition, Tome 1, Paris, Charpentier, 1889, p. 195)
Dans cette lettre au ton antifrançais, pour le moins surprenant de la part d’un officier issu d’un cursus de dix ans au sein des écoles de l’armée française, Bonaparte demande le soutien de Paoli pour son projet de publication en ces termes : « Si vous daignez, général, approuver un travail ou il sera si fort question de nous, les efforts d’un jeune homme que vous vîtes naître […] j’oserai augurer favorablement du succès » (BOIS, Op. cit. p. 61 et IUNG, Op. cit., p. 197).
Paternellement, Paoli répondit en lui prodiguant les conseils suivants : « Vous êtes trop jeune pour écrire l’histoire […] Préparez-vous lentement à une telle entreprise par de fortes études […] profitez surtout des conseils de l’abbé Raynal » (IUNG, Op. cit., p. 199).
Notre lieutenant était tenace et l’histoire des Lettres sur la Corse ne s’arrête pas là. Elle se poursuivra encore pendant un demi-siècle !
Comme il n’est pas évident que nos fidèles lecteurs aient la même opiniâtreté, nous interrompons là cet épisode qui, nous l’espérons, a pu leur donner un échantillon des inclinations du jeune Bonaparte vers son île natale.
Nous l’y retrouverons dans la suite de notre feuilleton, non sans avoir poursuivi d’abord notre brève histoire des Lettres sur la Corse.
L’illustration de Claudi nous montre un Bonaparte absorbé dans ses pensées sur la Corse, et qui n’anime pas vraiment les conversations à la table du traiteur Dumont !
C.S. Rédacteur de Chantecler,
Auxonne, le 28 octobre 2017 (J+3237 après le vote négatif fondateur)
Publié dans Feuilleton 7