CHARMOY-CITY : QUAND MARIANNE RENCONTRE FEYDEAU - du 07 novembre 2017 (J+3247 après le vote négatif fondateur)

    Samedi dernier, dans la salle de l’ex-tribunal de commerce, où trône encore un buste de Marianne intéressant par son style suranné IIIème République, un public nombreux et enthousiaste n’a pas boudé son plaisir lors de la soirée organisée par le groupe théâtral « Caramel et chocolat ».

      « Caramel et chocolat » recevait en invitée la troupe « Flamboyance Scène » pour le gros morceau de la  soirée : une interprétation de la célèbre pièce de Georges Feydeau Mais n’te promène donc pas toute nue.

      Sous le même patronage de Georges Feydeau, « Caramel et chocolat »  lançait aussi, à cette occasion et en lever de rideau, la troupe nouvellement créée « la Fabricole » dans une interprétation des Fiancés en herbe, œuvre de jeunesse du dramaturge. (voir l'article en ligne du Bien public d'hier :"AUXONNE Première scène pour La Fabricole")

      Ce parcours sans entracte et très bien mené conduisait le spectateur du monde ingénu et poétique de l’enfance, en butte au carcan scolaire, jusqu’à à la trivialité prétentieuse des bons élèves devenus, l’âge aidant, notabilités bourgeoises.

       Un programme, pour tout dire décoiffant et plein d’insolence, entre tableau noir et séances de la chambre parlementaire ou… conjugale.

     En transition entre les deux œuvres de Feydeau, le groupe  « Caramel et chocolat » reprenait au bond et à sa manière la célèbre fable de La Fontaine Le Corbeau et le renard, argument des Fiancés en herbe, enchaînait avec La Cigale et la Fourmi  puis nous donnait avec talent et en musique deux célébrissimes poèmes « scolaires » de Prévert : En sortant de l’école et Page d’écriture.

     Un quart de siècle sépare les deux œuvres de Feydeau. Georges Feydeau a vingt-quatre ans, lorsqu’en 1886, il écrit Fiancés en herbe, mais c’est aux portes de la cinquantaine, en 1911, qu’il écrit sa féroce comédie de mœurs en un acte  Mais n’te promène donc pas toute nue.

      Fiancés en herbe nous laisse à penser que Feydeau fut sans doute un élève rebelle. Il est évident que le discours de l’enfant devenu auteur a conservé toute la fraîcheur et l’impertinence des questions et des réflexions enfantines.

Dans notre temps agité de questions sur la famille et la filiation, Feydeau nous parle encore !

« RENÉ : […] Si tu épousais ton papa, tu deviendrais la maman de ton petit frère...

HENRIETTE : C’est vrai pourtant... et je deviendrais ma maman aussi à moi ! Puisque je serais la femme de papa... et que je suis sa fille !

RENÉ : Il n’y aurait plus moyen de s’y reconnaître !

HENRIETTE : Non, mais me vois-tu ma maman à moi ! Ce que je me gâterais ! »

       Mais n’te promène donc pas toute nue ne pose plus de telles questions. Comme le titre l’indique, le député Ventroux et son épouse Clarisse se querellent en permanence à propos de décence. La vêture légère adoptée régulièrement par Clarisse irrite le parlementaire pour des motifs de décence affichée :

CLARISSE : Oh ! qui veux-tu qui regarde ?

VENTROUX : Qui ? (Indiquant la fenêtre du geste.) Mais Clemenceau, ma chère amie !... Clémenceau, qui demeure en face !... et qui est tout le temps à sa fenêtre !

CLARISSE : Bah ! il en a vu bien d’autres, Clemenceau !

VENTROUX : C’est possible !... C’est possible, qu’il en ait vu d’autres, mais j’aime autant qu’il ne voie pas celle-là. Ah ! ben, je serais propre ! […]  Tu ne connais pas Clémenceau ! C’est notre premier comique, à nous !... Il a un esprit gavroche ! Il est terrible ! Qu’il fasse un mot sur moi, qu’il me colle un sobriquet, il peut me couler !

   En matière de décence, Clarisse a sa conception bien à elle et qui n’a pas pris une ride si l’on en croit l’actualité :

« Je ne te connaissais pas ; et, crac, du jour au lendemain, parce qu’il y avait un gros monsieur en ceinture tricolore devant qui on avait dit "oui", c’était admis ! Tu me voyais toute nue. Eh ben ! Ça, c’est indécent. »

       On ne s’étonnera donc pas que ce soit précisément au théâtre Fémina  que la pièce fut représentée  pour la première fois le 25 novembre 1911.

     Brochant sur ce colloque domestique à propos de la décence, le monde politique s’introduit chez le député  Ventroux en la personne de Monsieur Hochepaix, maire de Moussillon-les-Indrets venu « trouver amicalement son député pour lui soumettre un desideratum de ses administrés et le prier de s’y intéresser auprès du ministre compétent »

       Après bien des péripéties, liées encore une fois au déshabillé de Madame et mettant encore en avant moult considérations d’ordre corporel, Hochepaix finit par présenter sa requête d’ordre ferroviaire : «  Eh bien, voilà ! c’est à propos de l’express de Paris, n’est-ce pas ? qui s’arrête à Morinville et qui brûle Moussillon-les-Indrets... qui est un centre au moins aussi important ».

   Là encore le sujet ne manque pas pour nous d’actualité !

CHARMOY-CITY : LES POTS CASSÉS DE LA HALTE DE VILLERS- du 24 octobre 2017

         Sur un mode plus anecdotique et plus personnel, nous retiendrons cet échange entre le maire Hochepaix et le député Ventroux.

     Ventroux vient de déplorer l’attitude, pour le moins discourtoise, de Hochepaix à son égard lors des dernières élections…. Et voilà la suite

HOCHEPAIX (vivement en étendant les mains comme pour enserrer celles de Ventroux) : Ça n’enlève rien à l’estime, croyez-le bien !

VENTROUX : Ah ! Très touché !

    En résumé, une bonne soirée pour un spectacle bien mené, roboratif, récréatif, sans complexes et stimulant la réflexion.

CHARMOY-CITY : POUR EN FINIR AVEC LE PSC - du 26 octobre 2017

Charmoy-City, quand Marianne rencontre Feydeau

Charmoy-City, quand Marianne rencontre Feydeau

C.S. Rédacteur de Chantecler,

Auxonne, le 07 novembre 2017 (J+3247 après le vote négatif fondateur)

Publié dans Culture

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